De Keyaki-daira à Kamikōchi

25/08 : Jōdo-san – Yakushi-dake-sansō

Je décolle très tôt ce matin, et je marche dans des paysages magnifiques. Sur ces crêtes, mon principal problème est toujours le même : me ravitailler en eau. Dans les refuges que je croise il y en a, mais elle est payante (et souvent très chère), donc je me débrouille comme je peux. A midi je remplis mes bouteilles en prenant de la neige sur un névé, que je fais fondre avec mon réchaud. Cela me permet de refaire le plein de flotte.

Après la pause de midi, le temps commence à se gater. Je m’abrite de la pluie juste à temps sur la terrasse d’un refuge. Là je papote avec un groupe de japonais (enfin surtout un, qui a déjà randonné en France le long du sentier de Saint-Jacques de Compostelle) et le gérant du refuge. Celui-ci m’explique que le prochain spot pour dormir est à 6 heures de marche, mais voyant mon sac à dos et d’où je viens ce matin, il pense qu’en 4 heures je peux y être. Il est encore tôt mais j’hésite à rester là : je ne suis vraiment pas chaud pour repartir sous la pluie. Finalement la pluie s’arrête et il ne reste que du brouillard. Allez je me lance : je suis en forme et j’ai pas mal trainé les premiers jours à cause de la météo.

Je dois passer un sommet (le mont Yakushi, à 2926m) avant de descendre pendant 1h pour un camping. Plus je m’approche du sommet, plus le vent souffle : sur un versant de la crête je suis abrité, mais sur l’autre versant le vent est fort, même très fort (pourtant j’y suis plutôt habitué avec la tramontane). J’arrive au sommet dans la purée de pois, mais surtout avec un vent dantesque. Je ne peux m’y attarder vu la force et je commence à descendre l’autre versant.

Le vent y est alors encore plus fort, si bien que parfois je n’arrive même plus à avancer quand il est de face. Et je suis déséquilibré quand la force du vent change, notamment à cause de mon sac qui prend le vent de plein fouet. Je n’imagine même pas ce que ça serait si j’avais un plus grand sac à dos ! La descente est usante, je dois être ultra prudent pour ne pas me blesser. A chaque pas je peux me vautrer avec les variations de force du vent. Dans l’affaire je perd une bouteille d’eau emportée par les bourrasques.

Une grosse demi-heure après le sommet j’arrive à un refuge où je cours m’abriter. Ce passage n’a pas été très long, mais je suis physiquement vidé. C’était terriblement éprouvant. Dans le refuge je parle avec 2 des tenanciers (enfin surtout un, un népalais). Il m’explique que j’ai affaire à un typhon !! Je comprends mieux le déchaînement des éléments auquel j’ai fait face… je n’avais jamais vu ça de ma vie. Et affronter un typhon sur des crêtes à 3000m d’altitude, seul dans le brouillard, c’est vraiment éprouvant ! Ce typhon a d’ailleurs un nom « Goni » et de nombreux articles de journaux : http://www.leparisien.fr/environnement/nature/japon-inquietudes-et-precautions-pour-l-arrivee-du-typhon-goni-25-08-2015-5033515″. Il faut dire qu’avec des vents à plus de 200km/h en pointe, une trentaine de morts et 100.000 personnes évacuées, il ne rigole pas Goni.

Même le refuge, malgré des murets de protection contre le vent, tremble sous les rafales. Le gérant me dit que le camping un peu plus loin est protégé du vent, mais la perspective de lutter à nouveau pendant 30mn contre le typhon me refroidit et je décide de rester dormir au chaud à l’intérieur. Mais manque de bol, je n’ai pas assez de yens sur moi, et ils n’acceptent pas les cartes de crédit… heureusement je suis au Japon, et le gars me donne simplement ses coordonnées bancaires, et il me dit de lui faire un virement quand j’aurai accès à une banque ! Ce n’est pas en France que je verrai ça un jour !

A l’abri du typhon, depuis l’intérieur du refuge